mardi 7 février 2023

Henri de Grissac. Les soins palliatifs, une approche éthique

  

 


 

L'association ASP Armorique, basée à Châteaulin, apporte "aide, soutien, présence" aux personnes gravement malades. Ses 50 bénévoles actifs, dûment formés, interviennent en partenariat avec les soignants en EHPAD et dans des établissements hospitaliers du Sud Finistère. Son président Henri de Grissac, neuropsychiatre à la retraite, n’a pas attendu le lancement de la Convention citoyenne sur la fin de vie pour s’intéresser au sujet. Il a bien voulu nous éclairer sur le sens de son engagement.

 

Qu'est-ce qui a motivé votre démarche en direction des soins palliatifs ?

La motivation pour être bénévole d'accompagnement en soins palliatifs s'est installée progressivement du fait de mon métier d'écoutant et de soignant. Je crois qu'elle est en germe dans mon enfance et mon adolescence et les épreuves dans ma vie ont aussi joué un rôle.

Durant ma carrière, j'ai été confronté à la mort de personnes jeunes ou moins jeunes, mais jamais je ne leur ai lâché la main et toujours j'ai été auprès des proches. Comme psychiatre, j'ai soigné un grand nombre de personnes mélancoliques et suicidaires. En effet la Bretagne a le « record » des suicides réussis en France et en Europe.

 

Quel est l'enjeu de l'intervention des bénévoles ?

La présence de bénévoles contribue au maintien d’un lien social fraternel auprès des personnes en fin de vie. C'est le retour à la tradition universelle de l'accompagnement des mourants entourés de leurs proches, des voisins, du curé éventuellement et une révolte contre le « mal mourir » ou la « mort précipitée » en France dans nos hôpitaux. La société civile a été à l'origine des soins palliatifs en France, vers 1985, comme cela l'a été en Grande Bretagne vingt ans plus tôt. L'accompagnement de fin de vie c'est « faire ce qui reste à faire quand il n'y a plus rien à faire ».

 

Quel bilan humain côté  malades ?

Le soulagement de la douleur est un droit fondamental de toute personne. L'accompagnement par des soins palliatifs se traduit surtout comme un témoignage fort de notre dignité. De mon expérience de médecin, puis de bénévole, je peux écrire avec d'autres ceci : « Je n'ai pas fait des études médicales pour euthanasier des vivants mais pour être là, en lien jusqu'à la fin. Euthanasier n'est pas accompagner ni aider à mourir, c'est tuer délibérément une personne. L'acharnement thérapeutique n'est pas un soin, c'est inutile et inhumain. La sédation profonde et continue jusqu'au décès est un soin, la mort n'est pas provoquée. Celui qui prône l'euthanasie est tombé dans un piège : celui de la compassion. »

 

Votre position personnelle sur ce sujet a-t-elle une composante religieuse ?

En aucun cas. Comme l’association, je me positionne sur un plan purement laïque et humaniste. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », énonce l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

jeudi 6 février 2020

Marc Pointud. Tévennec, les portes de l’enfer


Soixante-neuf jours seul au phare de Tévennec, au nord du raz de Sein, Marc Pointud a vécu, du 27 février au 5 mai 2016, le quotidien des anciens gardiens de phare, absents du lieu depuis 1910. Il revient avec un livre superbe « Lumières sur Tévennec, les portes de l’enfer » (Coop Breiz, 2018), qu’il dédicacera jeudi 6 février à la Médiathèque d’Ergué-Armel, à l’issue d’une conférence. Celle-ci débutera à 18h par la projection d’un film de 24 minutes, fort en images et sensations.




Marc POINTUD
Crédit photo : Charles MARION



L’envie de chevaucher ce monstre sculpté par des millénaires d’érosion, fait de « blocs empilés tels des dents pointées vers le ciel », Marc Pointud est allé la chercher, dit-il, au cœur de son adolescence. Le vague rêve d’affronter seul une nature sauvage s’est matérialisé dans un défi pour attirer l’attention générale sur les besoins financiers criants de la société nationale pour le patrimoine des phares et balises, dont il est le fondateur.




Se rencontrer soi-même
Le livre de bord du solitaire, jour après jour, c’est très naturellement du factuel. Gestes inlassablement répétés, tressant une ligne de vie. Pour la survie face aux éléments toujours menaçants, comme cette scélérate lame de fond un jour de beau temps, ou le piège d’une roche glissante. Mais l’adoption d’une routine c’est aussi « baliser le temps pour éviter la dérive mentale et permettre de se rencontrer soi-même ». Cela suppose, confie Marc, de « jouer le jeu, se laisser envahir par le lieu, se convertir à lui, tous sens en éveil ». Morceaux choisis. 






Tévennec 
Crédit photo : Charles MARION


 

Un « domaine du bruit permanent où le silence règne »

Comme à beaucoup d’ermites, la tentation s’est présentée à lui. « A toute heure du jour et de la nuit, la mer fait entendre sa présence. Les jours de grand calme sont rares. Mais elle est là, elle chuinte au pied des roches. La nuit, elle m’appelle. Je serai tenté d’y descendre, de voir ses phosphorescences dans l’obscurité, sa dentelle blanche qui se trémousse comme pour me provoquer. Mais je refuse cette emprise. Céder au chant des sirènes serait se mettre en danger… »


La nuit du 27 au 28 mars
« Les déferlements réguliers et habituels sur les Tréolets étaient devenus plus forts alors que la mer alentour était calme. A la tombée de la nuit, le vent de suroît fraîchit sévèrement pour atteindre la force 9. J’ai vérifié la protection des cartons de vivres dans la première pièce, dont le plafond goutte fortement dès qu’il pleut. » Marc suit la montée en puissance du coup de tabac, habillé chaudement avec ciré et bottes, « réflexe de marin » : 50 nœuds de vent, puis 60, puis 80. « La mer gronde. Une nuit dantesque. Je décide de sortir mais peu loin, car il est impossible de tenir debout tout seul… » Dûment harnaché et accroché, il goûte à se laisser inonder par les paquets de mer qui montent jusqu’au rebord du toit, qui « giflent tout obstacle sur leur passage pour aller se perdre dans une nuit hantée par les grands panaches blancs des déferlantes… »




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