Naturopathe,
praticienne en thérapie traditionnelle chinoise, Jacqueline JEGOU
invite chacun à se prendre en charge, se poser les bonnes questions
et à trouver une attitude d'écoute.
En
quoi votre pratique professionnelle permet-elle à vos patients de
porter un autre regard sur leur propre vie ?
Dans
un premier temps, je pense que l'on vient au monde avec une hérédité
qui ne nous rend pas égaux. Ainsi, nous pouvons être dotés d'une
nature optimiste, pessimiste… et de ce fait , avoir un comportement
différent.
L'éducation
que l'on reçoit nous permet d'évoluer différemment en fonction de
notre milieu socio-culturel.
Notre
hygiène de vie prend en compte beaucoup de paramètres. Faisons-nous
du sport, respirons-nous bien, rions-nous suffisamment, nous
permettons-nous de chanter par exemple ?
L'alimentation,
aussi, est très importante. Nous prenons soin de choisir le
carburant adapté à notre véhicule, il ne nous viendrait pas à
l'idée de mettre du gas-oil dans un moteur à essence.
Malheureusement, si j'ose dire, notre corps a une capacité
d'adaptation qui lui permet "d'éponger" pendant longtemps
nos erreurs alimentaires, nos excès.
Notre
vie n'est pas linéaire, nous nous enrichissons des bonheurs vécus
mais aussi des moments douloureux, négatifs… Parfois, malgré
cette conscience, nous nous trouvons comme dans une impasse. Je mange
correctement mais je prends du poids, je fais du sport mais je suis
toujours fatigué(e), je pratique la relaxation mais je n'arrive pas
à maîtriser mes colères ou je n'arrive pas à dormir…
Nos
émotions. C'est important : colère, peur, joie, tristesse. On
apprend à les vivre et non à les ancrer en nous. Si une émotion
n'est pas bien vécue, on va l'installer en nous. Cela va perdurer et
se transformer en symptôme, en maladie. C'est ainsi que ça se
passe. Donc c'est à chacun de nous de comprendre pourquoi. Pourquoi
suis-je toujours en colère, irritable ? Pourquoi je n'arrive
pas à dire les choses ? On pourrait se poser des centaines de
questions.
Nos
émotions, même négatives, sont importantes. Colère, peur,
tristesse font partie de nous mais ne doivent pas nous empêcher
d'avancer. Elles sont aussi là pour nous protéger :
Pourquoi
n'aurions-nous pas envie de traverser une route sans nous inquiéter
des voitures, si nous n'avions pas peur de nous faire écraser…
Nous
ne devons pas non plus n'exister que par elles, n'être que colères,
irritabilité…
Une
remise en question est parfois nécessaire, réfléchir au pourquoi
nous avons tendance à toujours accuser les autres de notre mal-être…
C'est plus simple que de se pencher sur soi…
Nous
avons tous des aspirations et il est important de les cerner :
prendre conscience de ce que l'on est, de ce que l'on voudrait être,
de ce qui pourrait être changé en nous ? Faire en quelque sorte un
état de conscience comme on fait un état des lieux, dans une
nouvelle maison…
Je
propose d'être à l'écoute des personnes qui viennent me voir. Ce
métier me comble, chaque séance étant différente même si je suis
la personne depuis longtemps…
Vous
pourriez dire que vous vivez, à travers eux, leurs émotions ?
Evidemment,
on ne peut pas être à la place de l'autre. Mais essayer de
comprendre leur émotion. S'ils sont dans la tristesse, je ne vais
pas leur dire : « Oh, ce n'est pas grave ! » On
ne peut pas vivre au travers de la personne. On vit ses propres
émotions. Etre à l'écoute. Se poser les bonnes questions, pour
comprendre ce qui ne va pas. Pourquoi tel symptôme perdure-t-il ?
Si j'attrape un rhume, au lieu de foncer à la pharmacie, se faire
une tisane au thym, prendre une huile essentielle. Ecouter ce qu'il
se passe. Pratiquer un peu de prévention aussi : qu'est-ce que
je mange ? Qu'est-ce que je peux faire pour éviter de tomber
malade ?
Non,
bien sûr… Je ne suis pas à leur place et j'ai mon propre filtre.
Simplement accepter leurs émotions, ne pas juger, être à leur
écoute, poser les bonnes questions pour que la personne découvre
elle-même ses solutions.
Je
ne suis qu'une béquille et j'encourage les personnes à devenir
autonomes, responsables d'elles-même
Porter
un autre regard sur sa vie peut permettre de l'embellir mais aussi
porter un autre regard sur ce qui nous entoure : un coucher de
soleil, le bruit des vagues, des odeurs, le rire des enfants… peut
permettre de se sentir heureux et donner du goût à la vie.
C'est
essentiellement un travail de conscience ?
Si
ce que vous appelez un travail de conscience c'est se dire que l'on
doit se remettre en question toute sa vie, alors oui c'est un travail
de conscience. Ce que l'on croit savoir aujourd'hui peut être faux
demain, sans se renier. Simplement, à 30 ans nous sommes différents
de ce que nous étions à 20 ans et ce que nous serons à 50…
La
nature humaine est en perpétuelle évolution. Se sentir bien sur son
chemin et non pas sur celui de l'autre… accepter nos failles mais
prendre conscience de nos forces nous permet de naviguer à travers
les récifs de la vie.
Faut-il
donner du temps au temps ?
La
vie est un puzzle. Nous nous construisons pièce après pièce pour
obtenir une très belle image. Il ne sert à rien de s'impatienter,
de se presser…
Et
l'intuition ?
L'intuition
pourrait être cette petite voix tout au fond de nous… Nous sommes
parfois parasités par tous les bons conseilleurs qui nous entourent
alors que la réponse, notre réponse est au fond de nous… Il
suffit de s'écouter et ne pas remettre dans les mains des autres,
notre vie.
Auriez-vous
une proposition d'attitude pour l'écoute intérieure ?
Notre
écoute intérieure ? Moi je vais commencer par observer les
choses. Autour de moi. Observer les gens. Etre à l'écoute. Et
puis... C'est difficile à expliquer cela. C'est subtil... Eh bien,
laisser les pensées venir à moi. Sans m'énerver. Sans me prendre
la tête. En essayant de rester le plus simple et le plus humble
possible. C'est quelque chose qui se travaille tous les jours. La
personne qui dit « ça y est, maintenant je suis humble »,
à mon avis n'a pas compris grand chose. C'est simplement essayer la
simplicité, l'humilité, et les choses découlent d'elles-mêmes.
Elles découlent en nous tout simplement et notre réponse vient
naturellement, sans avoir à se prendre la tête.
Peut-être
commencer par observer les choses, les gens, les entendre… mais pas
forcément les écouter… Laisser les pensées venir à soi, en
prenant du temps, en essayant de rester humble, simple… Un travail
quotidien, une manière d'être…
Ne
risquons-nous pas de trop faire travailler notre mental ?
Non,
lorsque l'on parle du mental, il y a une idée de raisonnement…
Dans cette attitude, on laisse venir les idées, on peut les laisser
passer mais on peut aussi les laisser s'imposer parce qu'elles sont
celles qui nous conviennent.
Quand
on agit de cette façon, nous sommes tournés vers l'intérieur, bien
au-delà du sens de l'ouïe ou du sens du toucher ?
Nous
sommes entourés d'énergie sans l'associer à la spiritualité
(concept propre à chacun). En thérapie chinoise et dans de
multiples thérapies, nous travaillons avec l'énergie céleste,
tellurique. Etre équilibré, c'est être centré. Etre décentré
nous fatigue, nous épuise, nous courons dans tous les sens avec la
sensation de ne pas avancer…
Laisser
faire aussi. Nous sommes dans une société dans laquelle nous devons
tout maîtriser pour exister, pour avoir un pouvoir…
Se
connaître soi-même nous permet de connaître les autres, ou tout au
moins de les percevoir, de les reconnaître comme un peu de
nous-mêmes… en attendant de connaître l'univers… Déjà un
petit début…